Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

M. de Sartines descendit. Il n’avait pas fait dix pas, qu’il rencontra un homme vêtu de gris et de mine assez équivoque.

L’homme, en apercevant l’illustre magistrat, ôta son chapeau et le remit sans paraître attacher au salut plus d’importance, quoique le respect et le dévouement eussent éclaté dans son regard.

M. de Sartines fit un signe, l’homme s’approcha, reçut, l’oreille basse, quelques injonctions, et disparut sous l’allée de Rousseau.

Le lieutenant de police remonta en voiture.

Cinq minutes après, l’homme gris reparut et s’approcha de la portière.

— Je tourne la tête à droite, dit du Barry, pour qu’on ne me voie pas.

M. de Sartines sourit, reçut la confidence de son agent, et le congédia.

— Eh bien ? demanda du Barry.

— Eh bien ! la chance était mauvaise, comme je m’en doutais ; c’est bien chez Rousseau que loge votre Gilbert. Renoncez-y, croyez-moi.

— Que j’y renonce ?

— Oui. Vous ne voudriez pas ameuter contre nous, pour une fantaisie, tous les philosophes de Paris, n’est-ce pas ?

— Oh ! mon Dieu ! que dira ma sœur Jeanne ?

— Elle tient donc bien à ce Gilbert ? demanda M. de Sartines.

— Mais oui.

— Eh bien ! alors, il vous reste les moyens de douceur : usez de gentillesse, amadouez M. Rousseau, et au lieu de se laisser enlever Gilbert malgré lui, il vous le donnera de bonne volonté.

— Ma foi, autant vaut nous donner à apprivoiser un ours.

— C’est peut-être moins difficile que vous ne pensez. Voyons, ne désespérons pas ; il aime les jolis visages : celui de la comtesse est des plus beaux, et celui de mademoiselle Chon n’est pas désagréable ; voyons, la comtesse fera-t-elle un sacrifice à sa fantaisie ?