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— Et Votre Majesté a bien raison de n’y pas tenir, fit Sartines.

— Mais on crierait, voyez-vous ; d’ailleurs, je croyais qu’on avait autorisé sa présence à Paris.

— Toléré, sire, mais à la condition qu’il ne se montrerait pas.

— Et il se montre ?

— Il ne fait que cela.

— Dans son costume arménien ?

— Oh ! non, sire ; nous lui avons fait signifier de le quitter.

— Et il a obéi ?

— Oui, mais en criant à la persécution.

— Et comment s’habille-t-il maintenant ?

— Mais comme tout le monde, sire.

— Alors le scandale n’est pas grand.

— Comment ! sire, un homme à qui l’on défend de se montrer, devinez où il va tous les jours.

— Chez le maréchal de Luxembourg, chez M. d’Alembert, chez madame d’Épinay ?

— Au café de la Régence, sire ! Il y joue aux échecs chaque soir, par entêtement, car il perd toujours ; et chaque soir j’ai besoin d’une brigade pour surveiller le rassemblement qui se fait autour de la maison.

— Allons, dit le roi, les Parisiens sont encore plus bêtes que je ne le croyais. Laissez-les s’amuser à cela, Sartines ; pendant ce temps-là, ils ne crieront pas misère.

— Oui, sire ; mais s’il allait un beau jour s’aviser de faire des discours comme il en faisait à Londres !

— Oh ! alors, comme il y aurait délit, et délit public, vous n’auriez pas besoin d’une lettre de cachet, Sartines.

Le lieutenant de police vit que l’arrestation de Rousseau était une mesure dont le roi désirait délivrer la responsabilité royale ; il n’insista donc point davantage.

— Maintenant, sire, dit M. de Sartines, il s’agit d’un autre philosophe.

— Encore ? répondit le roi avec lassitude ; mais nous n’en finirons donc pas avec eux ?