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— Alors, que Votre Majesté, ordonne, et les désirs de la comtesse s’accompliront.

— Que dites-vous là, Sartines ? s’écria le roi. En bonne foi, est-ce que je puis me mêler de tout cela ? Est-ce que je puis signer l’ordre d’être gracieux envers madame du Barry ? Est-ce vous, Sartines, vous, un homme d’esprit, qui me conseilleriez de faire un coup d’État pour satisfaire le caprice de la comtesse ?

— Oh ! non pas, sire. Je me contenterai de dire, comme Votre Majesté : « Pauvre comtesse ! »

— D’ailleurs, dit le roi, sa position n’est pas si désespérée. Vous voyez tout de la couleur de votre habit, vous, Sartines. Qui nous dit que madame de Béarn ne se ravisera point ? qui nous assure que madame la dauphine arrivera sitôt ? Nous avons quatre jours encore avant qu’elle touche Compiègne ; en quatre jours on fait bien des choses. Voyons, travaillerons-nous ce matin, Sartines ?

— Oh ! Votre Majesté, trois signatures seulement.

Et le lieutenant de police tira un premier papier du portefeuille.

— Oh ! oh ! fit le roi, une lettre de cachet.

— Oui, sire.

— Et contre qui ?

— Votre Majesté peut voir.

— Contre le sieur Rousseau. Qu’est-ce que ce Rousseau-là, Sartines, et qu’a-t-il fait ?

— Dame ! le Contrat social, sire.

— Ah ! ah ! c’est contre Jean-Jacques ? Vous voulez donc l’embastiller !

— Sire, il fait scandale.

— Que diable voulez-vous qu’il fasse ?

— D’ailleurs, je ne propose pas de l’embastiller.

— À quoi bon la lettre, alors ?

— Sire, pour avoir l’arme toute prête.

— Ce n’est pas que j’y tienne, au moins, à tous vos philosophes, dit le roi.