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— Non, j’ai ordonné.

— Bien répondu, comtesse. Le roi est un sot.

— Oh ! oui, mais M. la France…

— M. la France a au moins le bon esprit de vous aimer de tout son cœur, lui.

— Ah ! sire, pourquoi n’êtes-vous pas véritablement M. la France tout court ?

— Comtesse, pas de politique.

— Le roi prendra-t-il du café ? dit Chon.

— Certainement.

— Et Sa Majesté le brûlera comme d’habitude ? demanda la comtesse.

— Si la dame châtelaine ne s’y oppose pas.

La comtesse se leva.

— Que faites-vous ?

— Je vais vous servir, monseigneur.

— Allons, dit le roi en s’allongeant sur sa chaise comme un homme qui a parfaitement soupé et dont un bon repas a mis les humeurs en équilibre, allons, je vois que ce que j’ai de mieux à faire est de vous laisser faire, comtesse.

La comtesse apporta sur un réchaud d’argent une petite cafetière contenant le moka brûlant ; puis elle posa devant le roi une assiette supportant une tasse de vermeil et un petit carafon de Bohême ; puis près de l’assiette elle posa une petite allumette de papier.

Le roi, avec l’attention profonde qu’il donnait d’habitude à cette opération, calcula son sucre, mesura son café, et versant doucement son eau-de-vie pour que l’alcool surnageât, il prit le petit rouleau de papier qu’il alluma à la bougie, et avec lequel il communiqua la flamme à la liqueur brûlante.

Puis il le jeta dans le réchaud où il acheva de se consumer. Cinq minutes après, il savourait son café avec toute la volupté d’un gastronome achevé.

La comtesse le laissa faire, mais à la dernière goutte :

— Ah ! sire, s’écria-t-elle, vous avez allumé votre café avec les vers de monsieur de Voltaire, cela portera malheur aux Choiseul.