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— Lisez, sire, lisez les vers de monsieur de Voltaire.

Louis XV déplia un petit papier et lut :

Déesse des plaisirs, tendre mère des Grâces,
Pourquoi veux-tu mêler aux fêtes de Paphos
Les noirs soupçons, les honteuses disgrâces ?
Pourquoi médites-tu la perte d’un héros ?
Ulysse est cher à la patrie,
Il est l’appui d’Agamemnon ;
Sa politique active et son vaste génie,
Enchaînent la valeur de la fière Ilion.
Soumets les dieux à ton empire,
Vénus, sur tous les cœurs, règne par la beauté ;
Cueille, dans un riant délire,
Les roses de la volupté,
Mais à nos yeux daigne sourire,
Et rends le calme à Neptune agité.
Ulysse, ce mortel aux Troyens formidable,
Que-tu poursuis de ton courroux,
Pour la beauté n’est redoutable
Qu’en soupirant à ses genoux.

— Décidément, sire, dit la comtesse, plutôt piquée que reconnaissante du poétique envoi, décidément, M. de Voltaire veut se raccommoder avec vous.

— Oh ! quant à cela, c’est peine perdue, dit Louis XV ; c’est un brouillon qui mettrait tout à sac s’il rentrait à Paris. Qu’il aille chez son ami, mon cousin Frédéric II. C’est déjà bien assez que nous ayons M. Rousseau. Mais prenez-donc ces vers, comtesse, et méditez-les.

La comtesse prit le papier, le roula en forme d’allumette, et le déposa près de son assiette. Le roi la regardait faire.

— Sire, dit Chon, un peu de ce tokay.

— Il vient des caves mêmes de Sa Majesté l’empereur d’Autriche, dit la comtesse ; prenez de confiance, sire.

— Oh ! des caves de l’empereur, dit le roi ; il n’y a que moi qui en aie.

— Aussi me vient-il de votre sommelier, sire.

— Comment ! vous avez séduit ?…