Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/86

Cette page n’a pas encore été corrigée

dame de mes amies sera l’Armide, et dont toutes sortes de monstres défendront l’entrée quand il me plaira d’oublier.

— Sire, dit la comtesse en présentant une carafe de vin de Champagne glacé (invention tout à fait nouvelle à cette époque) au roi, voici justement une eau puisée au fleuve Léthé.

— Au fleuve Léthé, comtesse ! en ètes-vous sûre ?

— Oui, sire ; c’est le pauvre Jean qui l’a rapportée des enfers, où il vient de descendre aux trois quarts.

— Comtesse, dit le roi en levant son verre, à son heureuse résurrection ; mais pas de politique, je vous prie.

— Alors, je ne sais plus de quoi parler, sire ; et si Votre Majesté voulait raconter une histoire, elle qui raconte si bien…

— Non ; mais je vais vous dire des vers.

— Des vers ! s’écria madame du Barry.

— Oui, des vers… Qu’y a-t-il d’étonnant à cela ?

— Votre Majesté les déteste !

— Parbleu ! sur cent mille qui se fabriquent, il y en a quatre-vingt-dix mille contre moi.

— Et ceux que Votre Majesté va me dire appartiennent aux dix mille qui ne peuvent lui faire trouver grâce pour les quatre-vingt-dix mille autres.

— Non, comtesse, ceux que je vais vous dire vous sont adressés.

— À moi ?

— À vous.

— Et par qui ?

— Par monsieur de Voltaire.

— Et il charge Votre Majesté…

— Pas du tout, il les adressait directement à Votre Altesse.

— Comment cela ?… sans lettre ?

— Au contraire, dans une lettre toute charmante.

— Ah ! je comprends : Votre Majesté a travaillé ce matin avec son directeur des postes.

— Justement.