— Il faudra que je me fasse faire là-dessus un rapport de la police.
— De celle de M. de Sartines ou de la mienne ?
— De celle de M. de Sartines.
— Combien le paierez-vous ?
— S’il me dit des choses curieuses, je ne marchanderai pas.
— Alors donnez la préférence à ma police, et prenez mon rapport. Je vous servirai… royalement.
— Vous vous vendrez vous-même ?
— Pourquoi pas, si la somme vaut le secret ?
— Eh bien ! soit ! Voyons le rapport. Mais surtout pas de mensonges.
— La France, vous m’insultez.
— Je veux dire, pas de détours.
— Eh bien ! sire, apprêtez les fonds, voici le rapport.
— J’y suis, dit le roi en faisant sonner quelques pièces d’or au fond de sa poche.
— D’abord, la comtesse, madame Dubarry, a été vue à Paris vers deux heures de l’après-midi.
— Après, après ? je sais cela.
— Rue de Valois.
— Je ne dis pas non.
— Vers six heures, Zamore est venu l’y rejoindre.
— C’est encore possible ; mais qu’allait faire madame Dubarry rue de Valois ?
— Elle allait chez elle.
— Je comprends bien ; mais pourquoi allait-elle chez elle ?
— Pour attendre sa marraine.
— Sa marraine ! dit le roi avec une grimace qu’il ne put dissimuler tout à fait ; elle va donc se faire baptiser ?
— Oui, sire, sur les grands fonts de Versailles.
— Ma foi, elle a tort ; le paganisme lui allait si bien.
— Que voulez-vous, sire ; vous savez le proverbe : « On veut avoir ce qu’on n’a pas. »
— De sorte que nous voulons avoir une marraine ?
— Et nous l’avons, sire.
Le roi tressaillit et haussa les épaules.