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— Dame ! c’est possible.

— Il est bien entendu que vous n’irez pas lui dire à brûle-pourpoint ce que le roi a dit, c’est-à-dire qu’elle était de bien petite noblesse pour une pareille charge. Mais vous êtes femme d’esprit, vous lui diriez autre chose.

— Eh bien ? demanda Jeanne.

— Eh bien ! elle céderait à madame cette occasion de vous rendre service et de faire fortune.

La vieille frissonna. Cette fois l’attaque était directe. II n’y avait pas de réponse évasive possible. Cependant elle en trouva une.

— Je ne voudrais pas désobliger cette dame, dit-elle, entre gens de qualité on se doit des égards.

Madame du Barry fit un mouvement de dépit que son frère calma d’un signe.

— Notez bien, madame, dit-il, que je ne vous propose rien. Vous avez un procès, cela arrive à tout le monde ; vous désirez le gagner, c’est tout naturel. Il paraît perdu, cela vous désespère ; je tombe au beau milieu de ce désespoir ; je me sens ému de sympathie pour vous ; je prends intérêt à cette affaire qui ne me regarde pas ; je cherche un moyen de la faire tourner à bien quand elle est déjà aux trois quarts tournée à mal. J’ai tort, n’en parlons plus.

Et Jean se leva.

— Oh ! monsieur, s’écria la vieille avec un serrement de cœur qui lui fit apercevoir les du Barry, jusqu’alors indifférents, ligués désormais eux-mêmes contre son procès ; oh ! monsieur, tout au contraire, je reconnais, j’admire votre bienveillance !

— Moi, vous comprenez, reprit Jean avec une indifférence parfaitement jouée, que ma sœur soit présentée par madame d’Aloigny, par madame de Polastron ou par madame de Béarn, peu m’importe.

— Mais sans doute, monsieur.

— Seulement, eh bien ! je l’avoue, j’étais furieux que les bienfaits du roi tombassent sur quelque mauvais cœur, qui,