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— Donc il avait payé, répéta à son tour madame du Barry.

— Ah ! madame, que n’êtes-vous mon juge ? s’écria la vieille comtesse.

— Autrefois, dit le vicomte Jean, dans un cas pareil, on n’eût pas eu recours aux tribunaux, et le jugement de Dieu eût vidé l’affaire. Quant à moi, j’ai une telle confiance dans la bonté de la cause, que je jure, si un pareil moyen était encore en usage, que je m’offrirais pour le champion de madame.

— Oh ! monsieur !

— C’est comme cela ; d’ailleurs je ne ferais que ce que fit mon aïeul du Barry-Moore, qui eut l’honneur de s’allier à la famille royale de Stuart, lorsqu’il combattit en champ clos pour la jeune et belle Édith de Scarborough, et qu’il fit avouer à son adversaire qu’il en avait menti par la gorge. Mais, malheureusement, continua le vicomte avec un soupir de dédain, nous ne vivons plus dans ces glorieux temps, et les gentilshommes, lorsqu’ils discutent leurs droits, doivent aujourd’hui soumettre la cause au jugement d’un tas de robins, qui ne comprennent rien à une phrase aussi claire que celle-ci : « Ne devant plus rien aux hommes. »

— Écoutez donc, cher frère, il y a trois cents ans passés que cette phrase a été écrite, hasarda madame du Barry, et il faut faire la part de ce qu’au palais on appelle, je crois, la prescription.

— N’importe, n’importe, dit Jean, je suis convaincu que si Sa Majesté entendait madame exposer son affaire, comme elle vient de le faire devant nous…

— Oh ! je la convaincrais, n’est-ce pas, monsieur ? j’en suis sûre.

— Et moi aussi.

— Oui, mais comment me faire entendre ?

— Il faudrait pour cela que vous me fissiez l’honneur de me venir voir un jour à Luciennes, et comme Sa Majesté me fait la grâce de m’y visiter assez souvent…

— Oui, sans doute, ma chère, mais tout cela dépend du hasard.