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— Eh bien ! par déduction, je prouverais que cette obligation de deux cent mille livres, qui, avec les intérêts accumulés, forme aujourd’hui un capital de plus d’un million, je prouverais que cette obligation, en date de 1400, a dû être remboursée par Guy Gaston IV, comte de Béarn, à son lit de mort, en 1417, puisqu’on trouve de sa main, dans son testament : « Sur mon lit de mort, ne devant plus rien aux hommes, et prêt à paraître devant Dieu. »

— Eh bien ? dit la comtesse.

— Eh bien ! vous comprenez ; s’il ne devait plus rien aux hommes, c’est qu’il s’était acquitté avec les Saluces. Sans cela, il aurait dit : « Devant deux cent mille livres », au lieu de dire : « Ne devant rien. »

— Incontestablement il l’eût dit, interrompit Jean.

— Mais vous n’avez pas d’autre preuve ?

— Que la parole de Gaston IV, non, madame ; mais c’est celui que l’on appelait l’irréprochable.

— Tandis que vos adversaires ont l’obligation.

— Oui, je le sais bien, dit la vieille, et voilà justement ce qui embrouille le procès.

Elle aurait dû dire ce qui l’éclaircit ; mais madame de Béarn voyait les choses à son point de vue.

— Ainsi, votre conviction, à vous, madame, c’est que les Saluces sont remboursés ? dit Jean.

— Oui, monsieur le vicomte, dit madame de Béarn avec élan, c’est ma conviction.

— Eh mais ! reprit la comtesse en se tournant vers son frère d’un air pénétré, savez-vous, Jean, que cette déduction, comme dit madame de Béarn, change terriblement l’aspect des choses.

— Terriblement, oui, madame, reprit Jean.

— Terriblement pour mes adversaires, continua la comtesse ; les termes du testament de Gaston IV sont positifs : « Ne devant plus rien aux hommes. »

— Non seulement c’est clair, mais c’est logique, dit Jean. Il ne devait plus rien aux hommes ; donc il avait payé ce qu’il leur devait.