— Eh bien ! vous avez peut-être entendu parler d’un procès qui laisse vagues les biens de ma maison.
— Disputés par MM. de Saluces, je crois ?
— Hélas ! oui, madame.
— Oui, oui, je connais cette affaire, dit la comtesse. Sa Majesté en parlait l’autre soir chez moi à mon cousin, M. de Maupeou.
— Sa Majesté ! s’écria la plaideuse, Sa Majesté a parlé de mon procès ?
— Oui, madame.
— Et en quels termes ?
— Hélas ! pauvre comtesse ! s’écria à son tour madame Dubarry en secouant la tête.
— Ah ! procès perdu, n’est-ce pas ? fit la vieille plaideuse avec angoisse.
— S’il faut vous dire la vérité, je le crains bien, madame.
— Sa Majesté l’a dit ?
— Sa Majesté, sans se prononcer, car elle est pleine de prudence et de délicatesse, Sa Majesté semblait regarder ces biens comme déjà acquis à la famille de Saluces.
— Oh ! mon Dieu, mon Dieu, madame, si Sa Majesté était au courant de l’affaire, si elle savait que c’est par cession à la suite d’une obligation remboursée !… oui, madame, remboursée ; les deux cent mille francs ont été rendus. Je n’en ai pas les reçus certainement, mais j’en ai les preuves morales, et si je pouvais devant le parlement plaider moi-même, je démontrerais par déduction…
— Par déduction ? interrompit la comtesse qui ne comprenait absolument rien à ce que lui disait madame de Béarn, mais qui paraissait néanmoins donner la plus sérieuse attention à son plaidoyer.
— Oui, madame, par déduction.
— La preuve par déduction est admise, dit Jean.
— Ah ! le croyez-vous, monsieur le vicomte ? s’écria la vieille.
— Je le crois, répondit le vicomte avec une suprême gravité.