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Après les saluts d’usage, et comme la comtesse, indécise et tremblante, essayait de se lever pour prendre congé, comme déjà le chancelier la saluait d’un léger mouvement de tête, indiquant par ce signe que l’audience était finie :

— Pardon, monseigneur, dit le vicomte, pardon, madame, je vous dérange, excusez-moi ; demeurez, madame, je vous prie… Avec le bon plaisir de Son Excellence, je n’ai que deux mots à lui dire.

La comtesse se rassit sans se faire prier ; son cœur nageait dans la joie et battait d’impatience.

— Mais peut-être vous gênerai-je, monsieur, balbutia la comtesse.

— Oh ! mon Dieu, non. Deux mots seulement à dire à Son Excellence ; dix minutes de son précieux travail à lui enlever ; le temps de porter plainte.

— Plainte, dites-vous ? fit le chancelier à M. du Barry.

— Assassiné ! monseigneur ; oui, assassiné ! Vous comprenez, je ne puis laisser passer ces sortes de choses-là. Qu’on nous vilipende, qu’on nous chansonne, qu’on nous noircisse, on survit à tout cela ; mais qu’on ne nous égorge pas, mordieu ! on en meurt.

— Expliquez-vous, monsieur, dit le chancelier en jouant l’effroi.

— Ce sera bientôt fait. Mais, mon Dieu, j’interromps l’audience de madame.

— Madame la comtesse de Béarn, fit le chancelier, en présentant la vieille dame à M. le vicomte Jean du Barry.

du Barry recula gracieusement pour sa révérence, la comtesse pour la sienne, et tous les deux se saluèrent avec autant de cérémonie qu’ils l’eussent fait à la cour.

— Après vous, monsieur le vicomte, dit-elle.

— Madame la comtesse, je n’ose commettre un crime de lèse-galanterie.

— Faites, monsieur, faites, il ne s’agit que d’argent pour moi, il s’agit d’honneur pour vous, vous êtes naturellement le plus pressé.