Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Quoi donc ?

— Il faudrait que vous fussiez admise à porter ce brevet à son nègre… La belle entrée en matière !

— Vous croyez, monseigneur ? dit la comtesse consternée.

— J’en suis sûr, mais…

— Mais ?… répéta madame de Béarn.

— Mais vous ne connaissez personne auprès d’elle ?

— Mais vous, monseigneur ?

— Eh ! moi…

— Oui.

— Moi, je serais bien embarrassé.

— Allons, décidément, dit la pauvre vieille plaideuse, brisée par toutes ces alternatives, décidément la fortune ne veut plus rien faire pour moi. Voilà que Votre Excellence me reçoit comme je n’ai jamais été reçue, quand je n’espérais pas même avoir l’honneur de la voir. Eh bien ! il me manque encore quelque chose : non seulement je suis disposée à faire la cour à madame du Barry, moi une Béarn ! pour arriver jusqu’à elle, je suis disposée à me faire la commissionnaire de cet affreux négrillon que je n’eusse pas honoré d’un coup de pied au derrière si je l’eusse rencontré dans la rue, et voilà que je ne puis pas même arriver jusqu’à ce petit monstre…

M. de Maupeou recommençait à se caresser le menton et paraissait chercher, quand tout à coup l’huissier annonça :

— M. le vicomte Jean du Barry !

À ces mots le chancelier frappa dans ses mains en signe de stupéfaction, et la comtesse tomba sur son fauteuil sans pouls et sans haleine.

— Dites maintenant que vous êtes abandonnée de la fortune, madame ! s’écria le chancelier. Ah ! comtesse, comtesse, le ciel, au contraire, combat pour vous.

Puis, se retournant vers l’huissier sans donner à la pauvre vieille le temps de se remettre de sa stupéfaction :

— Faites entrer, dit-il.

L’huissier se retira ; puis un instant après il revint précédant notre connaissance, Jean du Barry, qui fit son entrée le jarret tendu et le bras en écharpe.