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M. de Maupeou répliqua que le temps n’était pas moins précieux pour les sujets de Sa Majesté que pour ses ministres, que cependant il y avait encore des distinctions à faire entre les gens pressés, qu’en conséquence il donnait toujours son meilleur reste à ceux qui méritaient ces distinctions.

Nouvelles révérences de madame de Béarn, puis silence embarrassé, car là devaient cesser les compliments et commencer les requêtes. M. de Maupeou attendait en se caressant le menton.

— Monseigneur, dit la plaideuse, j’ai voulu me présenter devant Votre Excellence pour lui exposer très humblement une grave affaire de laquelle dépend toute ma fortune.

M. de Maupeou fit de la tête un léger signe qui voulait dire : « Parlez. »

— En effet, monseigneur, reprit-elle, vous saurez que toute ma fortune, ou plutôt celle de mon fils, est intéressée dans le procès que je soutiens en ce moment contre la famille Saluces.

Le vice-chancelier continua de se caresser le menton.

— Mais votre équité m’est si bien connue, monseigneur, que tout en connaissant l’intérêt, je dirai même l’amitié que Votre Excellence porte à ma partie adverse, je n’ai pas hésité un seul instant à venir supplier Son Excellence de m’entendre.

M. de Maupeou ne put s’empêcher de sourire en entendant louer son équité : cela ressemblait trop aux vertus apostoliques de Dubois, que l’on complimentait aussi sur ses vertus cinquante ans auparavant.

— Madame la comtesse, dit-il, vous avez raison de dire que je suis ami des Saluces ; mais vous avez aussi raison de croire qu’en prenant les sceaux, j’ai déposé toute amitié. Je vous répondrai donc, en dehors de toute préoccupation particulière, comme il convient au chef souverain de la justice.

— Oh ! monseigneur, soyez béni ! s’écria la vieille comtesse.

— J’examine donc votre affaire en simple jurisconsulte, continua le chancelier.