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— N’importe, madame, répondit le suisse, faites-moi toujours l’honneur de me dire comment vous vous nommez.

— Comtesse de Béarn, répondit-elle. — Monseigneur est à l’hôtel, répliqua le suisse.

— Plaît-il ? fit madame de Béarn au comble de l’étonnement.

— Je dis que monseigneur est à l’hôtel, répéta celui-ci.

— Mais, sans doute, monseigneur ne reçoit pas ?

— Il recevra madame la comtesse, dit le suisse.

Madame de Béarn descendit, ne sachant pas si elle dormait ou veillait. Le suisse tira un cordon qui fit deux fois résonner une cloche. L’huissier parut sur le perron, et le suisse fit signe à la comtesse qu’elle pouvait entrer.

— Vous voulez parler à monseigneur, madame ? demanda l’huissier.

— C’est-à-dire, monsieur, que je désirais cette faveur sans oser l’espérer.

— Veuillez me suivre, madame la comtesse.

— On disait tant de mal de ce magistrat ! pensa la comtesse en suivant l’huissier ; il a cependant une grande qualité, c’est d’être abordable à toute heure. Un chancelier !… c’est étrange.

Et tout en marchant, elle frémissait à l’idée de trouver un homme d’autant plus revêche, d’autant plus disgracieux, qu’il se donnait ce privilège par l’assiduité à ses devoirs. M. de Maupeou, enseveli sous une vaste perruque et vêtu de l’habit de velours noir, travaillait dans un cabinet, portes ouvertes.

La comtesse, en entrant, jeta un regard rapide autour d’elle ; mais elle vit avec surprise qu’elle était seule, et que nulle autre figure que la sienne et celle du maigre, jaune et affairé chancelier ne se réfléchissait dans les glaces.

L’huissier annonça madame la comtesse de Béarn.

M. de Maupeou se leva tout d’une pièce et se trouva du même mouvement adossé à sa cheminée.

Madame de Béarn fit les trois révérences de rigueur.

Le petit compliment qui suivit les révérences fut quelque peu embarrassé. Elle ne s’attendait pas à l’honneur… elle ne croyait pas qu’un ministre si occupé eût le courage de prendre sur les heures de son repos…