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XXX

LE VICE.


La vieille comtesse tremblait de tous ses membres en se rendant chez M. de Maupeou.

Cependant une réflexion propre à la tranquilliser lui était venue en chemin. Selon toute probabilité, l’heure avancée ne permettrait pas à M. de Maupeou de la recevoir, et elle se contenterait d’annoncer sa visite prochaine au suisse.

En effet, il pouvait être sept heures du soir, et quoiqu’il fît jour encore, l’habitude de dîner à quatre heures, déjà répandue dans la noblesse, interrompait, en général, toute affaire depuis le dîner jusqu’au lendemain.

Madame de Béarn, qui désirait ardemment rencontrer le vice-chancelier, fut cependant consolée à cette idée qu’elle ne le trouverait pas. C’est là une de ces fréquentes contradictions de l’esprit humain, que l’on comprendra toujours sans les expliquer jamais.

La comtesse se présenta donc, comptant que le suisse allait l’évincer. Elle avait préparé un écu de trois livres pour adoucir le cerbère et l’engager à présenter son nom sur la liste des audiences demandées.

En arrivant en face de l’hôtel, elle trouva le suisse causant avec un huissier, lequel semblait lui donner un ordre. Elle attendit discrètement, de peur que sa présence ne dérangeât les deux interlocuteurs ; mais, en l’apercevant dans son carrosse de louage, l’huissier se retira.

Le suisse alors s’approcha du carrosse et demanda le nom de la solliciteuse.

— Oh ! je sais, dit-elle, que je n’aurai probablement pas l’honneur de voir Son Excellence.