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— Oh ! oui, murmura la comtesse avec un soupir.

M. Flageot répondit par un autre soupir modulé sur celui de la comtesse.

— Tenez, monsieur Flageot, continua madame de Béarn, voulez-vous que je vous dise une chose ?

— Dites, madame.

— Je n’y survivrai pas.

— Oh ! quant à cela, vous auriez tort.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! dit la pauvre comtesse, je suis au bout de ma force.

— Courage, madame, courage, dit Flageot.

— Mais n’avez-vous pas un conseil à me donner ?

— Oh ! si fait : celui de retourner dans vos terres, et de ne plus croire désormais ceux qui se présenteront de ma part sans un mot de moi.

— Il faudra bien que j’y retourne dans mes terres.

— Ce sera sage.

— Mais croyez-moi, monsieur Flageot, gémit la comtesse, nous ne nous reverrons plus, en ce monde du moins.

— Quelle scélératesse !

— Mais j’ai donc de bien cruels ennemis ?

— C’est un tour des Saluces, j’en jurerais.

— Le tour est bien mesquin, en tout cas.

— Oui, c’est faible, dit M. Flageot.

— Oh ! la justice, la justice ! s’écria la comtesse, mon cher M. Flageot, c’est l’antre de Cacus.

— Pourquoi ? dit celui-ci, parce que la justice n’est plus elle-même, parce qu’on travaille le parlement, parce que M. de Maupeou a voulu devenir chancelier au lieu de rester président.

— Monsieur Flageot, je boirais bien à présent.

— Marguerite ! cria l’avocat.

Marguerite rentra. Elle était sortie, voyant le tour pacifique que prenait la conversation.

Elle rentra, disons-nous, tenant le plateau et les deux verres qu’elle avait emportés. Madame de Béarn but lentement son verre de bière, après avoir honoré son avocat du choc de son