— Oui.
— Et qu’il avait perdue ?…
— Je l’ai retrouvée. ― Oh ! mon Dieu ! par hasard, en passant par la cour de marbre à Versailles.
— Et vous ne l’avez pas fait remettre à M. de Breteuil ?
— Je m’en serais bien gardé.
— Pourquoi cela ?
— Parce que, en ma qualité de sorcier, je savais que Votre Éminence, à qui je veux tant de bien, moi, me voulait mal de mort. Alors vous comprenez : un homme désarmé qui sait qu’en traversant un bois, il va être attaqué, et qui trouve un pistolet tout chargé sur la lisière de ce bois…
— Eh bien ?
— Eh bien, cet homme est un sot, s’il se dessaisit de ce pistolet.
Le cardinal eut un éblouissement et s’appuya sur le bord de la fenêtre.
Mais, après un instant d’hésitation, dont le comte dévorait les variations sur son visage :
— Soit, dit-il. Mais il ne sera pas dit qu’un prince de ma maison aura plié devant la menace d’un charlatan. Cette lettre eût-elle été perdue, l’eussiez-vous trouvée, dût-elle être montrée à madame la dauphine elle-même ; cette lettre dût-elle me perdre comme homme politique, je soutiendrai mon rôle de sujet loyal, de fidèle ambassadeur. Je dirai ce qui est vrai, c’est-à-dire que je trouvais cette alliance nuisible aux intérêts de mon pays, et mon pays me défendra ou me plaindra.
— Et si quelqu’un, dit le comte, se trouve là, qui dise que l’ambassadeur, jeune, beau, galant, ne doutant de rien, vu son nom de Rohan et son titre de prince, ne disait point cela parce qu’il croyait l’alliance autrichienne nuisible aux intérêts de la France, mais parce que, gracieusement reçu d’abord par l’archiduchesse Marie-Antoinette, cet orgueilleux ambassadeur avait eu la vanité de voir dans cette affabilité quelque chose de plus que de l’affabilité, que répondra le fidèle sujet, le loyal ambassadeur ?