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La princesse, au pied du crucifix, priait avec ferveur ; Lorenza, immobile, muette, les yeux ouverts et fixes comme s’ils ne voyaient pas, était debout au milieu de l’appartement. Les deux hommes se tenaient dans l’embrasure de la fenêtre, le comte appuyé sur l’espagnolette, le cardinal à moitié caché par le rideau.

— Que me voulez-vous ? répéta le comte. Parlez.

— Je veux savoir qui vous êtes.

— Vous le savez.

— Moi ?

— Sans doute. N’avez-vous pas dit que j’étais sorcier ?

— Très bien. Mais là-bas on vous nommait Joseph Balsamo ; ici l’on vous nomme le comte de Fœnix.

— Eh bien, que prouve cela ? Que j’ai changé de nom, voilà tout.

— Oui ; mais savez-vous que de pareils changements, de la part d’un homme comme vous, donneraient fort à penser à M. de Sartines ?

Le comte sourit.

— Oh ! monsieur, que voilà une petite guerre pour un Rohan ! Comment, Votre Éminence argumente sur des mots ! Verba et voces, dit le latin. N’a-t-on rien de pis à me reprocher ?

— Vous devenez railleur, je crois, dit le cardinal.

— Je ne le deviens pas, c’est mon caractère.

— Alors, je vais me donner une satisfaction.

— Laquelle ?

— Celle de vous faire baisser le ton.

— Faites, monsieur.

— Ce sera, j’en suis certain, faire ma cour à madame la dauphine.

— Ce qui ne sera pas du tout inutile dans les termes où vous êtes avec elle, dit flegmatiquement Balsamo.

— Et si je vous faisais arrêter, monsieur de l’horoscope, que diriez-vous ?

— Je dirais que vous avez grand tort, monsieur le cardinal.