— Maintenant, Lorenza, dit le comte d’une voix douce mais dans laquelle néanmoins l’accent du commandement se faisait sentir, maintenant on m’accuse de vous avoir fait violence. Dites, vous ai-je violentée en quelque chose que ce soit ?
— Jamais, répondit la jeune femme d’une voix claire et précise, mais sans accompagner cette dénégation d’aucun mouvement.
— Alors, s’écria la princesse, que signifie toute cette histoire d’enlèvement que vous m’avez faite ?
Lorenza demeura muette ; elle regardait le comte comme si la vie et la parole, qui en est l’expression, devaient lui venir de lui.
— Son Altesse désire sans doute savoir comment vous êtes sortie du couvent, Lorenza. Racontez tout ce qui s’est passé depuis le moment où vous vous êtes évanouie dans le chœur jusqu’à celui où vous vous êtes réveillée dans la chaise de poste.
Lorenza demeura silencieuse.
— Racontez la chose dans tous ses détails, continua le comte, sans rien omettre. Je le veux.
Lorenza ne put comprimer un frémissement.
— Je ne me rappelle point, dit-elle.
— Cherchez dans vos souvenirs, et vous vous rappellerez.
— Ah ! oui, oui, en effet, dit Lorenza avec le même accent monotone, je me souviens.
— Parlez !
— Lorsque je me fus évanouie, au moment même où les ciseaux touchaient mes cheveux, on m’emporta dans ma cellule et l’on me coucha sur mon lit. Jusqu’au soir, ma mère resta près de moi, et comme je demeurais toujours sans connaissance, on envoya chercher le chirurgien du village, lequel me tâta le pouls, passa un miroir devant mes lèvres, et, reconnaissant que mes artères étaient sans battements et ma bouche sans haleine, déclara que j’étais morte.
— Mais comment savez-vous tout cela ? demanda la princesse.