Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée


LI

LE COMTE DE FŒNIX.


Pendant longtemps un silence profond laissa les deux femmes, l’une à ses méditations douloureuses, l’autre à son étonnement facile à comprendre.

Enfin Madame Louise rompit la première le silence.

— Et vous n’avez rien fait pour faciliter cet enlèvement ? dit-elle.

— Rien, Madame.

— Et vous ignorez comment vous êtes sortie du couvent ?

— Je l’ignore.

— Cependant un couvent est bien fermé, bien gardé ; il y a des barreaux aux fenêtres, des murs presque infranchissables, une tourière qui ne quitte pas ses clés. Cela est ainsi, en Italie surtout, où les règles sont plus sévères encore qu’en France.

— Que vous dirai-je, Madame, quand moi-même depuis ce moment je m’abîme à creuser mes souvenirs sans y rien trouver ?

— Mais vous lui reprochâtes votre enlèvement ?

— Sans doute.

— Que vous répondit-il pour s’excuser ?

— Qu’il m’aimait.

— Que lui dites-vous ?

— Qu’il me faisait peur.

— Vous ne l’aimiez donc pas ?

— Oh ! non, non !

— En étiez-vous bien sûre ?

— Hélas ! Madame, c’était un sentiment étrange que j’éprouvais pour cet homme. Lui là, je ne suis plus moi, je suis lui ; ce qu’il veut, je le veux ; ce qu’il ordonne, je le fais ; mon âme n’