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« Je le hâtais de tous mes vœux, de toutes mes prières, car il n’était pas dans l’église, et je me sentais, lui absent, assez maîtresse de mon libre arbitre. Déjà le prêtre se tournait vers moi, me montrant le Christ auquel j’allais me consacrer ; déjà j’étendais les bras vers ce seul et unique Sauveur donné à l’homme, quand le tremblement habituel qui m’annonçait son approche commença d’agiter mes membres, quand le coup qui comprimait ma poitrine m’indiqua qu’il venait de mettre le pied sur le seuil de l’église, quand enfin l’attraction irrésistible amena mes yeux du côté opposé à l’autel, quelques efforts qu’ils fissent pour rester fidèles au Christ.

« Mon persécuteur était debout près de la chaire et plus appliqué que jamais à me regarder.

« De ce moment, je lui appartenais ; plus d’office, plus de cérémonie, plus de prières.

« Je crois qu’on me questionna selon le rite, mais je ne répondis pas. Je me souviens que l’on me tira par le bras et que je vacillai comme une chose inanimée que l’on déplace de sa base. On me montra des ciseaux sur lesquels un rayon de soleil venait refléter son éclair terrible : l’éclair ne me fit pas sourciller. Un instant après, je sentis le froid du fer sur mon cou, le grincement de l’acier dans ma chevelure.

« En ce moment, il me sembla que toutes les forces me manquaient, que mon âme s’élançait de mon corps pour aller à lui, et je tombai étendue sur la dalle, non pas, chose étrange, comme une personne évanouie, mais comme une personne prise de sommeil. J’entendis un grand murmure, puis je devins sourde, muette, insensible. La cérémonie fut interrompue avec un épouvantable tumulte. »

La princesse joignit les mains avec compassion.

— N’est-ce pas, dit Lorenza, que c’est là un terrible événement, et dans lequel il est facile de reconnaître l’intervention de l’ennemi de Dieu et des hommes ?

— Prenez garde, dit la princesse avec un accent de tendre compassion, prenez garde, pauvre femme, je crois que vous avez trop de pente à attribuer au merveilleux ce qui n’est que l’effet d’une faiblesse naturelle. En voyant cet homme, vous