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— Cependant, jusqu’à cette heure…, dit madame Louise.

— Attendez, attendez jusqu’au bout, fit Lorenza, et alors ne me jugez pas trop sévèrement, je vous en supplie, Madame.

— L’indulgence et la douceur me sont recommandées, et je suis aux ordres de la souffrance.

— Merci ! oh ! merci ! vous êtes véritablement l’ange consolateur que j’étais venu chercher.

« Nous descendions à la chapelle trois jours par semaine ; à chacun de ces offices, l’inconnu assista. J’avais voulu résister ; j’avais dit que j’étais malade ; j’avais résolu que je ne descendrais point ! Faiblesse humaine ! quand venait l’heure, je descendais malgré moi, et comme si une force supérieure à ma volonté m’eût poussée ; alors, s’il n’était point arrivé, j’avais quelques instants de calme et de bien-être ; mais à mesure qu’il approchait, je le sentais venir. J’aurais pu dire : il est à cent pas, il est au seuil de la porte, il est dans l’église, et cela sans regarder de son côté ; puis, arrivé à sa place accoutumée, mes yeux fussent-ils fixés sur mon livre de prières pour l’invocation la plus sainte, mes yeux se détournaient pour s’arrêter sur lui.

« Alors, si longtemps que se prolongeât l’office, je ne pouvais plus lire ni prier. Toute ma pensée, toute ma volonté, toute mon âme, étaient dans mes regards, et tous mes regards étaient pour cet homme qui, je le sentais bien, me disputait à Dieu.

« D’abord, je n’avais pu le regarder sans crainte ; ensuite, je le désirai ; enfin je courus avec la pensée au-devant de lui. Et souvent, comme on voit dans un songe, il me semblait le voir la nuit dans la rue ou le sentir passer sous ma fenêtre.

« Cet état n’avait point échappé à mes compagnes. La supérieure en fut prévenue ; elle prévint ma mère. Trois jours avant celui où je devais prononcer mes vœux, je vis entrer dans ma cellule les trois seuls parents que j’eusse au monde : mon père, ma mère, mon frère.

« Ils venaient pour m’embrasser encore une fois, disaient-ils, mais je vis bien qu’ils avaient un autre but, car, restée seule avec moi, ma mère m’interrogea. Dans cette circonstance, il est facile de reconnaître l’influence du démon, car, au lieu de