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elle ne voulut point sortir sans y avoir fait sa prière, elle alla s’agenouiller devant elle.

« Pendant ce temps, l’homme entra sans bruit, s’approcha lentement de moi, ouvrit son manteau et plongea ses regards dans les miens comme il eût fait de deux rayons ardents.

« J’attendais qu’il parlât ; ma poitrine se soulevait pour, ainsi dire, montant comme une vague au-devant de sa parole ; mais il se contenta d’étendre ses deux mains au-dessus de ma tête en les approchant de la grille qui nous séparait. Aussitôt, une extase inouïe s’empara de moi ; il me souriait. Je lui rendis son sourire tout en fermant les yeux comme écrasée sous une langueur infinie. Pendant ce temps, comme s’il n’avait pas désiré autre chose que de s’assurer de sa puissance sur moi, il disparut ; à mesure qu’il s’éloignait, je reprenais mes sens ; cependant j’étais encore sous l’empire de cet étrange hallucination, quand ma voisine de la via Frattina, ayant achevé sa prière, se releva, prit congé de moi, m’embrassa et sortit à son tour.

« En me déshabillant le soir, je trouvai sous ma guimpe un billet qui contenait seulement ces trois lignes :

« À Rome, celui qui aime une religieuse est puni de mort. Donnerez-vous la mort à qui vous devez la vie ? »

« De ce jour, Madame, la possession fut complète, car je mentis à Dieu, en ne lui avouant pas que je songeais à cet homme autant et plus qu’à lui.

Lorenza, effrayée elle-même de ce qu’elle venait de dire, s’arrêta pour interroger la physionomie si douce et si intelligente de la princesse.

— Tout cela n’est point de la possession, dit Madame Louise de France avec fermeté. C’est une malheureuse passion, je vous le répète, et je vous l’ai dit, les choses du monde ne doivent point entrer jusqu’ici, sinon à l’état de regrets.

— Des regrets, Madame ? s’écria Lorenza. Quoi ! vous me voyez en larmes, en prières, vous me voyez à genoux vous suppliant de me soustraire au pouvoir infernal de cet homme, et vous me demandez si j’ai des regrets ? Oh ! j’ai plus que des regrets, j’ai des remords.