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« Je l’avais regardé tant que j’avais pu le voir, et ce n’est que lorsque je l’eus perdu de vue tout à fait que l’oppression qui serrait ma poitrine disparut.

« Deux heures après, nous étions à Subiaco.

— Mais quel était donc cet homme extraordinaire ? demanda la princesse, émue de la simplicité de ce récit.

« — Daignez encore m’écouter, Madame, dit Lorenza. Hélas ! tout n’est pas fini !

« — J’écoute, dit Madame Louise.

« La jeune femme continua :

« Nous arrivâmes à Subiaco deux heures après cet événement.

« Pendant toute la route, nous n’avions fait que nous entretenir, mon père, ma mère et moi, de ce singulier sauveur qui nous était venu tout à coup, mystérieux et puissant, comme un envoyé du ciel.

« Mon père, moins crédule que moi, le soupçonnait chef d’une de ces bandes qui, bien que divisées en fragments autour de Rome, relèvent de la même autorité, et sont inspectées de temps en temps par le chef suprême, lequel, investi d’une autorité absolue, récompense, punit et partage.

« Mais moi, moi qui cependant ne pouvais lutter d’expérience avec mon père ; moi qui obéissais à mon instinct, qui subissais le pouvoir de ma reconnaissance, je ne croyais pas, je ne pouvais pas croire que cet homme fût un bandit.

« Aussi, dans mes prières de chaque soir à la Vierge, je consacrais une phrase destinée à appeler les grâces de la madone sur mon sauveur inconnu.

« Dès le même jour, j’entrai au couvent. La dot était retrouvée, rien n’empêchait qu’on ne m’y reçût. J’étais plus triste, mais aussi plus résignée que jamais. Italienne et superstitieuse, cette idée m’était venue que Dieu tenait à me posséder pure, entière et sans tache, puisqu’il m’avait délivrée de ces bandits, suscités sans doute par le démon pour souiller la couronne d’innocence que Dieu seul devait détacher de mon front. Aussi m’élançai-je avec toute l’ardeur de mon caractère dans les empressements de mes supérieurs et de mes parents. On