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et je me mis à crier miséricorde, par ce sentiment naturel qui vous porte à appeler au secours, car je savais bien que j’appelais inutilement, et que dans ce lieu sauvage personne ne m’entendrait.

« Aussi, sans s’inquiéter de mes cris, des larmes de ma mère, des efforts de mon père, les bandits me lièrent les mains derrière le dos, et me brûlant de leurs regards hideux que je compris alors, tant la terreur me faisait clairvoyante, ils se mirent, avec des dés qu’ils tirèrent de leur poche, à jouer sur le mouchoir de l’un d’eux.

« Ce qui m’effraya le plus, c’est qu’il n’y avait point d’enjeu sur l’ignoble tapis.

« Pendant tout le temps que les dés passèrent de main en main, je frissonnai ; car je compris que j’étais la chose qu’ils jouaient.

« Tout à coup, l’un d’eux, poussant un rugissement de triomphe, se leva, tandis que les autres blasphémaient en grinçant des dents, courut à moi, me saisit dans ses bras et posa ses lèvres sur les miennes.

« Le contact d’un fer rouge ne m’eût point fait pousser un cri plus déchirant.

« — Oh ! la mort ! la mort, mon Dieu ! m’écriai-je.

« Ma mère se roulait sur la terre, mon père s’évanouit.

« Je n’avais plus qu’un espoir. C’est que l’un ou l’autre des bandits qui avaient perdu me tuerait, dans un moment de rage, d’un coup du couteau qu’ils serraient dans leurs mains crispées.

« J’attendais le coup, je l’espérais, je l’invoquais.

« Tout à coup un homme à cheval parut dans le sentier.

« Il avait parlé bas à une des sentinelles, qui l’avait laissé passer en échangeant un signe avec lui.

« Cet homme, de taille moyenne, d’une physionomie imposante, d’un coup d’œil résolu, continua de s’avancer calme et tranquille au pas ordinaire de son cheval.

« Arrivé en face de moi, il s’arrêta.

« Le bandit, qui déjà m’avait prise dans ses bras et qui