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avaient payé leur dette à l’illustration de la famille. J’aurais été mal fondée à me plaindre ; on ne me demandait rien qui sortît des habitudes générales. Ma mère me caressa un peu plus seulement, quand le jour s’approcha pour moi de la quitter.

« Enfin, le jour où je devais commencer mon noviciat arriva ; mon père réunit cinq cents écus romains, destinés à payer ma dot au couvent, et nous partîmes pour Subiaco.

« Il y a huit à neuf lieues de Rome à Subiaco ; mais les chemins de la montagne sont si mauvais, que, cinq heures après notre départ, nous n’avions fait encore que trois lieues. Cependant, le voyage, tout fatigant qu’il était en réalité, me plaisait. Je lui souriais comme à mon dernier bonheur, et, tout le long du chemin, je disais tout bas adieu aux arbres, aux buissons, aux pierres, aux herbes desséchées même. Qui savait si là-bas, au couvent, il y avait de l’herbe, des pierres, des buissons et des arbres !

« Tout à coup, au milieu de mes rêves, et comme nous passions entre un petit bois et une masse de rochers crevassés, la voiture s’arrêta, j’entendis ma mère pousser un cri, mon père fit un mouvement pour saisir des pistolets. Mes yeux et mon esprit retombèrent du ciel sur la terre ; nous étions arrêtés par des bandits.

— Pauvre enfant ! dit madame Louise, qui prenait de plus en plus intérêt à ce récit.

— Eh bien ! vous le dirai-je, Madame, je ne fus pas fort effrayée, car ces hommes nous arrêtaient pour notre argent, et l’argent qu’ils allaient nous prendre était destiné à payer ma dot au couvent. S’il n’y avait plus de dot, mon entrée au couvent était retardée de tout le temps qu’il faudrait à mon père pour en trouver une autre, et je savais la peine et le temps que ces cinq cents écus avaient coûté à réunir.

« Mais quand, après ce premier butin partagé, au lieu de nous laisser continuer notre route, les bandits s’élancèrent sur moi, quand je vis les efforts de mon père pour me défendre, quand je vis les larmes de ma mère pour les supplier, je compris qu’un grand malheur, qu’un malheur inconnu me menaçait,