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— J’étais jeune comme toi, malheureux comme toi dans ma position ; de là vient peut-être que je t’ai compris. La fortune un jour m’a souri ; eh bien ! laisse-moi t’aider, Gilbert, en attendant que la fortune te sourie à ton tour.

— Merci, merci, monsieur.

— Que veux-tu faire ? Voyons, tu es trop sauvage pour te mettre en condition.

Gilbert secoua la tête avec un méprisant sourire.

— Je veux étudier, dit-il.

— Mais, pour étudier, il faut des maîtres, et pour payer des maîtres, il faut de l’argent.

— J’en gagne, monsieur.

— Tu en gagnes ! dit Philippe en souriant, et combien gagnes-tu ? Voyons !

— Je gagne vingt-cinq sous par jour, et j’en puis gagner trente et même quarante.

— Mais c’est tout juste ce qu’il faut pour manger.

Gilbert sourit.

— Voyons, je m’y prends mal peut-être pour t’offrir mes services.

— Vos services à moi, monsieur Philippe ?

— Sans doute, mes services. Rougis-tu de les accepter ?

Gilbert ne répondit point.

— Les hommes sont ici-bas pour s’entraider, continua Maison-Rouge ; ne sont-ils pas frères ?

Gilbert releva la tête et attacha ses yeux si intelligents sur la noble figure du jeune homme.

— Ce langage t’étonne ? dit-il.

— Non, monsieur, dit Gilbert, c’est le langage de la philosophie ; seulement je n’ai pas l’habitude de l’entendre chez des gens de votre condition.

— Tu as raison, et cependant ce langage est celui de notre génération. Le dauphin lui-même partage ces principes. Voyons, ne fais pas le fier avec moi, continua Philippe, et ce que je t’aurai prêté, tu me le rendras plus tard. Qui sait si tu ne seras pas un jour un Colbert ou un Vauban ?

— Ou un Tronchin, dit Gilbert.