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jeune homme ; Gilbert ici ! Bonjour, Gilbert… Que désirez-vous de moi, mon père ?

— Bonjour, monsieur Philippe, répondit le jeune homme

— Ce que je désire, s’écria le baron pâle de fureur, c’est que tu prennes la gaîne de ton épée et que tu en châties ce drôle-là ?

— Mais, qu’a-t-il fait ? demanda Philippe en regardant tour à tour et avec un étonnement croissant la fureur du baron et l’effrayante impassibilité de Gilbert.

— Il a fait, il a fait !… s’écria le baron ; frappe, Philippe, comme sur un chien.

Taverney se retourna vers sa sœur.

— Qu’a-t-il donc fait, Andrée, dites, vous aurait-il insultée ?

— Moi ! s’écria Gilbert.

— Non, rien, Philippe, répondit Andrée, non ; il n’a rien fait ; mon père s’égare. M. Gilbert n’est plus à notre service, il a donc parfaitement le droit d’être où il lui plaît d’aller. Mon père ne veut pas comprendre cela, et en le retrouvant ici il s’est mis en colère.

— C’est là tout ? demanda Philippe.

— Absolument, mon frère, et je ne comprends rien au courroux de M. de Taverney, surtout à un pareil propos et quand choses et gens ne méritent pas même un regard. Voyez, Philippe, si nous avançons.

Le baron se tut, dompté par la sérénité toute royale de sa fille.

Gilbert baissa la tête, écrasé par ce mépris. Il y eut un éclair qui passa à travers son cœur et qui ressemblait à celui de la haine. Il eût préféré un coup mortel de l’épée de Philippe, et même un coup sanglant de son fouet.

Il faillit s’évanouir.

Par bonheur, en ce moment, la harangue était achevée ; il en résulta que les carrosses reprirent leur mouvement.

Celui du baron s’éloigna peu à peu, d’autres le suivirent ; Andrée s’effaçait comme dans un rêve.

Gilbert demeura seul, prêt à pleurer, prêt à rugir, incapable, il