Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/250

Cette page n’a pas encore été corrigée

On se mit en marche. Le père était entre sa sœur et sa fille ; derrière venait la servante, le panier au bras.

— Messieurs, je vous prie, disait la bourgeoise avec son rire franc ; messieurs, de grâce ! messieurs, soyez assez bons…

Et l’on s’écartait, et on la laissait passer, elle et Gilbert, et dans leur sillage glissait tout le reste de la société.

Pas à pas, pied à pied, on conquit les cinq cents toises de terrain qui séparaient la place du déjeuner de la place du Couvent, et l’on parvint jusqu’à la haie de ces redoutables gardes-françaises dans lesquels le bourgeois et sa famille avaient mis tout leur espoir.

La jeune fille avait repris peu à peu ses couleurs naturelles.

Arrivé là, le bourgeois se haussa sur les épaules de Gilbert, et aperçut à vingt pas de lui le neveu de sa femme qui se tortillait la moustache.

Le bourgeois fit avec son chapeau des gestes si extravagants, que son neveu finit par l’apercevoir, vint à lui, et demanda un peu d’espace à ses camarades, qui dessoudèrent les rangs sur un point.

Aussitôt, par cette gerçure se glissèrent Gilbert et la bourgeoise, le bourgeois, sa sœur et sa fille, puis la servante, qui jeta bien dans la traversée quelques gros cris en se retournant avec des yeux féroces, mais à qui ses patrons ne songèrent pas même à demander la raison de ses cris.

Une fois la chaussée franchie, Gilbert comprit qu’il était arrivé. Il remercia le bourgeois ; le bourgeois le remercia. La mère essaya de le retenir : la tante l’invita à s’en aller, et l’on se sépara pour ne plus se revoir.

Dans l’endroit où se trouvait Gilbert, il n’y avait que des privilégiés ; il gagna donc facilement le tronc d’un gros tilleul, monta sur une pierre, se fit un appui de la première branche et attendit.

Une demi-heure environ après cette installation, le tambour roula, le canon retentit, et la cloche majestueuse de la cathédrale lança un premier bourdonnement dans les airs.