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Gilbert se retourna, et voyant que c’était à lui que l’on adressait la parole, il se leva et salua.

— Voilà un jeune homme poli, dit la mère.

La jeune fille devint pourpre.

— Mais je ne sais, madame, répondit Gilbert ; seulement, j’ai entendu dire que l’on voyait de la poussière à un quart de lieue à peu près.

— Approchez-vous, monsieur, dit le bourgeois, et si le cœur vous en dit…

Il lui montrait le déjeuner appétissant étendu sur l’herbe.

Gilbert s’approcha. Il était à jeun : l’odeur des mets lui paraissait séduisante ; mais il sentit ses vingt-cinq ou ses vingt-six sous dans sa poche, et songeant que pour le tiers de sa fortune il aurait un déjeuner presque aussi succulent que celui qui lui était offert, il ne voulut rien accepter de gens qu’il voyait pour la première fois.

— Merci, monsieur, dit-il ; grand merci, j’ai déjeuné.

— Allons, allons, dit la bourgeoise, je vois que vous êtes homme de précaution, monsieur, mais vous ne verrez rien de ce côté-ci.

— Mais vous, dit Gilbert en souriant, vous ne verrez donc rien non plus, puisque vous y êtes comme moi ?

— Oh ! nous, dit la bourgeoise, c’est autre chose, nous avons notre neveu qui est sergent dans les gardes-françaises.

La jeune fille devint violette.

— Il se tiendra ce matin devant le Paon bleu, c’est son poste.

— Et sans indiscrétion, demanda Gilbert, où est le Paon bleu ?

— Juste en face du couvent des Carmélites, reprit la mère ; il nous a promis de nous placer derrière son escouade ; nous aurons là son banc, et nous verrons à merveille descendre de carrosse.

Ce fut au tour de Gilbert à sentir le rouge lui monter au visage ; il n’osait se mettre à table avec ces braves gens, mais il mourait d’envie de les suivre.