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— Je le sais, merci.

— Vertudieu ! le beau cheval ! s’écria un dragon de la reine regardant la monture de l’étrangère. Savez-vous que si ce cheval n’est pas hors d’âge, il vaut cinq cents louis, aussi vrai que le mien vaut cent pistoles.

Ces mots produisirent beaucoup d’effet sur la foule.

En ce moment un chanoine, qui tout au contraire du dragon regardait la cavalière sans s’inquiéter du cheval, se fraya un sentier jusqu’à elle, et, grâce à un secret connu de lui, ouvrit la porte du tour.

— Entrez, madame, dit-il, et tirez après vous votre cheval.

La femme, pressée d’échapper aux regards avides de cette foule, regards qui semblaient effroyablement lui peser, se hâta de suivre le conseil et disparut derrière la porte avec sa monture.

Une fois seule dans la vaste cour, l’étrangère secoua la bride de son cheval, lequel agita si brusquement tout son caparaçon et battit si vigoureusement le pavé de son fer, que la sœur tourière, qui avait quitté un instant son petit logement placé près de la porte, s’élança de l’intérieur du couvent.

— Que voulez-vous, madame ? s’écria-t-elle, et comment vous êtes-vous introduite ici ?

— C’est un bon chanoine qui m’a ouvert la porte, dit-elle ; quant à ce que je veux, je veux, si c’est possible, parler à la supérieure.

— Madame ne recevra pas ce soir.

— On m’avait dit cependant qu’il était du devoir des supérieures de couvent de recevoir celles de leurs sœurs du monde qui viennent leur demander secours, à toute heure du jour et de la nuit.

— C’est possible dans les circonstances ordinaires ; mais Son Altesse, arrivée d’avant-hier seulement, est à peine installée, et ce soir tient chapitre.

— Madame ! Madame ! reprit l’étrangère, j’arrive de bien loin, j’arrive de Rome. Je viens de faire soixante lieues à cheval, je suis à bout de mon courage.

— Que voulez-vous ! l’ordre de Madame est formel.