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XLVII

LA FEMME DU SORCIER.


Au moment où Gilbert, après sa journée si bien remplie, grignotait dans son grenier son pain trempé d’eau fraîche et humait de tous ses poumons l’air des jardins d’alentour, en ce moment, disons-nous, une femme vêtue avec une élégance un peu étrange, ensevelie sous un long voile, après avoir suivi au galop d’un superbe cheval arabe cette route de Saint-Denis, déserte encore, mais qui devait le lendemain s’encombrer de tant de monde, mettait pied à terre devant le couvent des Carmélites de Saint-Denis et heurtait de son doigt délicat au barreau du tour, tandis que son cheval, dont elle tenait la bride passée à son bras, piaffait et creusait le sable avec impatience.

Quelques bourgeois de la ville s’arrêtèrent par curiosité autour de l’inconnue. Ils étaient attirés à la fois, nous l’avons dit, d’abord par l’étrangeté de sa mine, ensuite par son insistance à heurter.

— Que désirez-vous, madame ? lui demanda l’un d’eux.

— Vous le voyez, monsieur, répondit l’étrangère avec un accent italien des plus prononcés, je désire entrer.

— Alors, vous vous adressez mal. Ce tour ne s’ouvre qu’une fois le jour aux pauvres, et l’heure à laquelle il s’ouvre est passée.

— Comment fait-on alors pour parler à la supérieure ? demanda celle qui heurtait.

— On frappe à la petite porte au bout du mur, ou bien on sonne à la grande porte.

Un autre s’approcha.

— Vous savez, madame, dit-il, que maintenant la supérieure est Son Altesse Royale madame Louise de France ?