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Et, l’entendant remonter l’escalier, il s’empressa d’aller lui ouvrir la porte.

Le jour se passa tout entier dans un travail ininterrompu. Gilbert avait appliqué à ce monotone labeur de la copie son activité, sa pénétrante intelligence et son assiduité obstinée. Ce qu’il ne comprenait pas, il le devinait ; et sa main, esclave d’une volonté de fer, traçait les caractères sans hésitation, sans erreur. De sorte que, vers le soir, il en était arrivé à sept pages d’une copie sinon élégante, du moins irréprochable.

Rousseau regardait ce travail en juge et en philosophe à la fois. Comme juge, il critiqua la forme des notes, la finesse des déliés, les écartements des soupirs ou des points ; mais il convint qu’il y avait déjà un progrès notable sur la copie de la veille, et il donna vingt-cinq sous à Gilbert.

Comme philosophe, il admirait la force de la volonté humaine qui peut courber douze heures de suite, sous le travail, un jeune homme de dix-huit ans, au corps souple et élastique, au tempérament passionné, car Rousseau avait facilement reconnu l’ardente passion qui brûlait le cœur du jeune homme ; seulement, il ignorait si cette passion était l’ambition ou l’amour.

Gilbert pesa dans sa main l’argent qu’il venait de recevoir : c’était une pièce de vingt-quatre sous et un sou. Il mit le sou dans une poche de sa veste, probablement avec les autres sous qui lui restaient de la veille, et serrant avec une satisfaction ardente la pièce de vingt-quatre sous dans sa main droite, il dit :

— Monsieur, vous êtes mon maître, puisque c’est chez vous que j’ai trouvé de l’ouvrage ; vous me donnez même le logement gratis. Je pense donc que vous pourriez mal juger de moi, si j’agissais sans vous communiquer mes actions.

Rousseau le regarda de son œil effarouché.

— Quoi ! dit-il, que voulez-vous donc faire ? Avez-vous pour demain une intention autre que de travailler ?

— Monsieur, oui, pour demain, avec votre permission, je voudrais être libre.