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rancune qu’elle conservait à Jacques de la victoire remportée sur elle ; c’est inutile, j’ai retrouvé un demi-pain dans l’armoire. Cela nous fait une livre et demie à peu près, il faudra qu’on en fasse assez.

En disant ces mots, elle posa le potage sur la table. Jacques fut servi le premier, puis Gilbert ; la vieille mangea dans la soupière.

Tous trois avaient grand appétit. Gilbert, tout intimidé de la discussion d’économie domestique à laquelle il avait donné lieu, mettait au sien tous les freins imaginables. Cependant, il eut le premier mangé la soupe.

La vieille jeta sur son assiette prématurément vide un regard tout courroucé.

— Qui est venu aujourd’hui ? demanda Jacques pour changer les idées de Thérèse.

— Oh ! fit celle-ci, toute la terre, comme d’habitude. Vous aviez promis à madame de Boufflers ses quatre cahiers, à madame d’Escars ses deux airs, un quatuor avec accompagnement à madame de Penthièvre. Les unes sont venues elles-mêmes, les autres ont envoyé. Mais, quoi ! monsieur herborisait, et comme on ne peut pas s’amuser et travailler en même temps, ces dames se sont passées de leur musique.

Jacques ne dit pas un mot, au grand étonnement de Gilbert, qui s’attendait à le voir se fâcher. Mais comme il était seul en jeu cette fois, il ne sourcilla point.

À la soupe succéda un petit morceau de bœuf bouilli, servi sur un petit plat de faïence tout rayé par la pointe tranchante des couteaux.

Jacques servit Gilbert assez modestement, car il était sous l’œil de Thérèse, puis il prit un morceau à peu près pareil et passa le plat à la ménagère.

Celle-ci prit le pain et en donna un morceau à Gilbert.

Ce morceau était si exigu que Jacques en rougit ; il attendit que Thérèse eût achevé de le servir, lui, et de se servir elle-même ; puis, lui prenant le pain des mains :

— C’est vous qui taillerez votre pain vous-même, mon