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— Voyons, Thérèse, reprit l’étranger d’une voix encore affectueuse, mais dans laquelle la nuance de la volonté se faisait sentir de plus en plus, allumez une chandelle. J’ai chaud et nous avons soif.

La vieille fit entendre un murmure qui, assez élevé d’abord, alla en décroissant.

Puis elle atteignit un briquet qu’elle battit au-dessus d’une boîte remplie d’amadou ; les étincelles jaillirent aussitôt et embrasèrent toute la boîte.

Pendant le temps qu’avait duré le dialogue, pendant les murmures et le silence qui les avait suivis, Gilbert était resté immobile, muet, et comme cloué à deux pas de cette porte qu’il commençait à regretter bien sincèrement d’avoir franchie.

Jacques s’aperçut de ce que souffrait le jeune homme.

— Avancez, monsieur Gilbert, je vous en prie, dit-il.

La vieille, pour voir celui à qui son mari parlait avec cette politesse affectée, détourna sa jaune et morose figure. Gilbert la vit aux premiers rayons de la maigre chandelle réveillée dans sa gaine de cuivre.

Cette figure ridée, couperosée et comme infiltrée en quelques endroits de fiel ; ce visage aux yeux plus vifs que vivants, plus lubriques que vifs ; cette plate douceur, répandue sur des traits vulgaires, douceur que démentaient si bien la voix et l’accueil de la vieille, inspirèrent du premier coup à Gilbert une violente antipathie.

De son côté, la vieille fut loin de trouver de son goût le visage pâle et fin, le silence circonspect et la raideur du jeune homme.

— Je crois bien que vous avez chaud et que vous devez avoir soif, messieurs, dit-elle. En effet, passer sa journée à l’ombre des bois, c’est si fatigant ; puis se baisser de temps en temps pour cueillir une herbe, voilà un travail ! Car monsieur herborise aussi, sans doute : c’est le métier de ceux qui n’en ont pas.

— Monsieur, répondit Jacques d’une voix de plus en plus ferme, est un bon et loyal jeune homme, qui m’a fait l’honneur