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— À propos, dit l’étranger après quelques instants d’un silence si froid qu’il commençait à inquiéter Gilbert, j’oubliais de vous dire que je suis marié.

— Ah ! fit Gilbert.

— Oui, et que ma femme, en véritable Parisienne, va sans doute gronder de ce que nous rentrons tard ; en outre, je dois vous le dire, elle se défie des étrangers.

— Vous plaît-il que je me retire, monsieur ? dit Gilbert, dont cette parole glaça tout à coup l’expansion.

— Non pas, non pas, mon ami ; je vous ai invité à venir chez moi, venez.

— Je vous suis, dit Gilbert.

— Là, à droite, par ici, nous y sommes.

Gilbert leva les yeux, et, aux derniers rayons du jour mourant, il lut, à l’angle de la place, au-dessus de la boutique d’un épicier, ces mots : « Rue Plastrière. »

L’étranger continua d’accélérer sa marche, car plus il se rapprochait de sa maison, plus redoublait cette agitation fébrile que nous avons signalée. Gilbert, qui ne voulait pas le perdre de vue, se heurtait à chaque seconde, soit aux passants, soit aux fardeaux des colporteurs, soit aux timons des voitures et aux brancards des charrettes.

Son conducteur semblait l’avoir oublié complétement : il trottait menu, visiblement absorbé dans une idée fâcheuse.

Enfin, il s’arrêta devant une porte d’allée dont la partie supérieure était grillée.

Un petit cordonnet sortait par un trou, le vieillard tira le cordonnet, la porte s’ouvrit.

Il se retourna alors, et voyant Gilbert indécis sur le seuil :

— Venez vite, dit-il.

Et il referma la porte sur eux.

Au bout de quelques pas faits dans l’obscurité, Gilbert heurta la première marche d’un escalier raide et noir. Le vieillard, habitué aux localités, avait déjà franchi une douzaine de degrés.