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et infect ; des malades qu’on portait à l’hôpital passaient sur des civières ; des enfants à demi nus jouaient dans la fange avec des chiens, des vaches et des porcs.

Le front de Gilbert se rembrunissait.

— Vous trouvez tout cela hideux, n’est-ce pas ? dit le vieillard. Eh bien ! ce spectacle, vous ne le verrez même plus tout à l’heure. C’est encore une richesse qu’un porc et qu’une vache ; c’est encore une joie qu’un enfant. Quant à la fange, vous la trouverez, elle, toujours et partout.

Gilbert n’était pas mal disposé à voir Paris sous un jour sombre ; il accepta donc le tableau tel que son compagnon le lui faisait.

Quant à ce dernier, prolixe d’abord dans sa déclamation, il était devenu peu à peu et à mesure qu’il avançait vers le centre de la ville, silencieux et muet. Il paraissait si soucieux, que Gilbert n’osa point lui demander quel était ce jardin qu’on apercevait à travers la grille, quel était ce pont sur lequel on passait la Seine. Ce jardin, c’était le Luxembourg ; ce pont, c’était le Pont-Neuf.

Cependant, comme on marchait toujours, et que l’étranger paraissait pousser la rêverie jusqu’à l’inquiétude, Gilbert se hasarda de dire :

— Logez-vous encore bien loin, monsieur ?

— Nous approchons, dit l’étranger, que cette question sembla rendre encore plus morose.

Ils côtoyèrent, rue du Four, le magnifique hôtel de Soissons, dont les bâtiments avaient vue et entrée principale sur cette rue, mais dont les jardins splendides s’étendaient sur celles de Grenelle et des Deux-Écus.

Gilbert passa devant une église qui lui parut fort belle. Il s’arrêta un instant à la regarder.

— Voilà un beau monument, dit-il.

— C’est Saint-Eustache, dit le vieillard.

Puis, levant la tête :

— Il est huit heures ! s’écria-t-il. Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! venez vite, jeune homme, venez.

L’étranger allongea le pas, Gilbert le suivit.