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d’être heureux, le droit d’être libre, et même le droit d’être oisif, quand vous aurez gagné vos loisirs, dit l’étranger en souriant comme malgré lui.

Puis levant les yeux au ciel :

— Ô jeunesse ! ô vigueur ! ô liberté ! ajouta-t-il avec un soupir.

Et à ces mots, une mélancolie d’une poésie inexprimable se répandit sur ses traits fins et purs.

Puis il se leva, s’appuyant sur son bâton.

— Et maintenant, dit-il plus gaiement, maintenant que vous avez une condition, vous plaît-il que nous remplissions une seconde boîte de plantes ? J’ai ici des feuilles de papier gris sur lesquelles nous classerons la première récolte. Mais, à propos, avez-vous encore faim ? Il me reste du pain.

— Gardons-le pour l’après-midi, s’il vous plaît, monsieur.

— Tout au moins, mangez les cerises, elles nous embarrasseraient.

— Comme cela je le veux bien ; mais permettez que je porte votre boîte ; vous marcherez plus à l’aise, et je crois, grâce à l’habitude, que mes jambes lasseraient les vôtres.

— Mais tenez, vous me portez bonheur ; je crois voir là-bas le picris hieracioïdes, que je cherche inutilement depuis le matin ; et, sous votre pied, prenez garde ! le cerastium aquaticum. Attendez ! attendez ! n’arrachez pas ! Oh ! vous n’êtes pas encore herboriste, mon jeune ami ; l’une est trop humide en ce moment pour être cueillie ; l’autre n’est point assez avancée. En repassant ce soir, à trois heures, nous arracherons le picris hieracioïdes, et quant au cerastium, nous le prendrons dans huit jours. D’ailleurs, je veux le montrer sur pied à un savant de mes amis, dont je compte solliciter pour vous la protection. Et maintenant, venez et conduisez-moi à cet endroit dont vous me parliez tout à l’heure, et où vous avez vu de beaux capillaires.

Gilbert marcha devant sa nouvelle connaissance ; le vieillard le suivit, et tous deux disparurent dans la forêt.