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livres, donnez-moi un cabinet à demi noir, et vous verrez si mes jours et mes nuits ne se consument pas dans le genre de travail que j’aurai choisi.

L’étranger regarda les mains douces et blanches du jeune homme.

— C’est une prédisposition, dit-il, un instinct. Ces sortes de répugnances aboutissent parfois à de bons résultats, mais il faut qu’elles soient bien dirigées. Enfin, continua-t-il, si vous n’avez pas été au collège, vous avez été du moins à l’école ?

Gilbert secoua la tête.

— Vous savez lire, écrire ?

— Ma mère, avant de mourir, avait eu le temps de m’apprendre à lire, pauvre mère ! car me voyant frêle de corps, elle disait toujours : « Ça ne fera jamais un bon ouvrier, il faut en faire un prêtre ou un savant. » Quand j’avais quelque répugnance à écouter ses leçons, elle me disait : « Apprends à lire, Gilbert, et tu ne fendras pas de bois, tu ne conduiras pas la charrue, tu ne tailleras pas de pierres » ; et j’apprenais. Malheureusement, je savais à peine lire lorsque ma mère mourut.

— Et qui vous apprit à écrire ?

— Moi-même.

— Vous-même ?

— Oui, avec un bâton que j’aiguisais et du sable que je faisais passer au tamis pour qu’il fût plus fin. Pendant deux ans, j’écrivis comme on imprime, copiant dans un livre, et ignorant qu’il y eût d’autres caractères que ceux que j’étais parvenu à imiter avec assez de bonheur. Enfin, un jour, il y a trois ans à peu près, mademoiselle Andrée était partie pour le couvent ; on n’en avait plus de nouvelles depuis quelques jours, quand le facteur me remit une lettre d’elle pour son père. Je vis alors qu’il existait d’autres caractères que les caractères imprimés. Monsieur de Taverney brisa le cachet et jeta l’enveloppe ; cette enveloppe, je la ramassai précieusement, et je l’emportai, puis la première fois que revint le facteur, je me fis lire l’adresse ; elle était conçue en ces termes : « À