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devez connaître cela, vous qui cueillez les plantes dans les bois.

— Oh ! l’on se croit botaniste et souvent l’on n’est…

— Achevez.

— On n’est qu’herboriste… et encore…

— Et qu’êtes-vous ?… Herboriste ou botaniste ?

— Oh ! herboriste bien humble et bien ignorant, en face de ces merveilles de Dieu qu’on appelle les plantes et les fleurs.

— Il sait le latin ?

— Fort mal.

— Cependant, j’ai lu dans une gazette qu’il avait traduit un auteur ancien nommé Tacite.

— Parce que, dans son orgueil — hélas ! tout homme est orgueilleux par moment, parce que dans son orgueil il a voulu tout entreprendre ; mais il le dit lui-même dans l’avertissement de son premier livre, du seul qu’il ait traduit, il entend assez mal le latin, et Tacite, qui est un rude jouteur, l’a bientôt eu lassé. Non, non, bon jeune homme, en dépit de votre admiration, il n’y a point d’homme universel, et presque toujours, croyez-moi, on perd en profondeur ce que l’on gagne en superficie. Il n’y a si petite rivière qui ne déborde sous un orage et qui n’ait l’air d’un lac. Mais essayez de lui faire porter bateau, et vous aurez bientôt touché le fond.

— Et, à votre avis, Rousseau est un de ces hommes superficiels ?

— Oui ; peut-être présente-t-il une superficie un peu plus étendue que celle des autres hommes, dit l’étranger, voilà tout.

— Bien des hommes seraient heureux, à mon avis, d’arriver à une superficie semblable.

— Parlez-vous pour moi ? demanda l’étranger avec une bonhomie qui désarma à l’instant même Gilbert.

— Ah ! Dieu m’en garde ! s’écria ce dernier ; il m’est trop doux de causer avec vous pour que je cherche à vous désobliger.

— Et en quoi ma conversation vous est-elle agréable, voyons,