Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Une demi-heure, dit Gilbert, je ne demande qu’une demi-heure.

— Trois quarts d’heure, s’il le faut, monsieur le docteur, dit l’intendant en fermant aussi soigneusement la porte de Gilbert que si c’eût été celle de sa caisse.

Gilbert s’approcha sur la pointe du pied de cette porte, écouta pour s’assurer que les pas s’éloignaient, puis il se glissa jusqu’à la fenêtre qui donnait sur des terrasses situées à dix-huit pieds au-dessous. Ces terrasses, couvertes d’un sable fin, étaient bordées de grands arbres dont les feuillages venaient ombrager les balcons.

Gilbert déchira sa longue robe en trois morceaux qu’il attacha bout à bout, déposa sur la table le chapeau, près du chapeau la bourse, et écrivit :

« Madame,

« Le premier des biens est la liberté. Le plus saint des devoirs de l’homme est de la conserver. Vous me violentez, je m’affranchis.

« Gilbert. »

Gilbert plia la lettre, la mit à l’adresse de mademoiselle Chon, attacha ses douze pieds de serge aux barreaux de la fenêtre, entre lesquels il glissa comme une couleuvre, sauta sur la terrasse, au risque de sa vie, quand il fut au bout de la corde, et alors, quoiqu’un peu étourdi du saut qu’il venait de faire, il courut aux arbres, se cramponna aux branches, glissa sous le feuillage comme un écureuil, arriva au sol, et à toutes jambes disparut dans la direction des bois de Ville-d’Avray.

Lorsqu’au bout d’une demi-heure on revint pour le chercher, il était déjà loin de toute atteinte.