— Parce que M. le vicomte Jean a eu tort.
— Et en quoi a-t-il eu tort, s’il vous plaît ?
— En insultant la dauphine. Tandis qu’au contraire, M. Philippe de Taverney…
— Eh bien ?
— Avait raison en la défendant.
— Ah ! nous tenons pour la dauphine, à ce qu’il paraît ?
— Non, je tiens pour la justice.
— Vous êtes un fou, Gilbert ! taisez-vous, qu’on ne vous entende point parler ainsi dans ce château.
— Alors dispensez-moi de répondre quand vous m’interrogerez.
— Changeons de conversation en ce cas.
Gilbert s’inclina en signe d’assentiment.
— Çà, petit garçon, demanda la jeune femme d’un ton de voix assez dur, que comptez-vous faire ici, si vous ne vous y rendez agréable ?
— Faut-il me rendre agréable en me parjurant ?
— Mais où donc allez-vous prendre tous ces grands mots-là ?
— Dans le droit que chaque homme a de rester fidèle à sa conscience.
— Bah ! dit Chon, quand on sert un maître, ce maître assume sur lui toute responsabilité.
— Je n’ai pas de maître, grommela Gilbert.
— Et au train dont vous y allez, petit niais, dit Chon en se levant comme une belle paresseuse, vous n’aurez jamais de maîtresse. Maintenant je répète ma question, répondez-y catégoriquement : Que comptez-vous faire chez nous ?
— Je croyais qu’il n’était pas besoin de se rendre agréable quand on pouvait se rendre utile.
— Et vous vous trompez : on ne rencontre que des gens utiles, et nous en sommes las.
— Alors je me retirerai.
— Vous vous retirerez ?
— Oui, sans doute, je n’ai point demandé à venir, n’est-ce pas ? Je suis donc libre.
— Libre ! s’écria Chon, qui commençait à se mettre en colère