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— À propos de son duel avec mon frère.

— Je dirais ce que je sais, madame, si j’étais appelé à déposer.

— Et que savez-vous ?

— La vérité.

— Voyons, qu’appelez-vous la vérité ? C’est un mot bien élastique.

— Jamais pour celui qui sait distinguer le bien du mal, le juste de l’injuste.

— Je comprends : le bien… c’est M. Philippe de Taverney ; le mal… c’est M. le vicomte du Barry.

— Oui, madame, à mon avis, et selon ma conscience, du moins.

— Voilà ce que j’ai recueilli en chemin ! dit Chon avec aigreur ; voilà comment me récompense celui qui me doit la vie.

— C’est-à-dire, madame, celui qui ne vous doit pas la mort.

— C’est la même chose.

— C’est bien différent, au contraire.

— Comment cela ?

— Je ne vous dois pas la vie ; vous avez empêché vos chevaux de me l’ôter, voilà tout, et encore ce n’est pas vous, c’est le postillon.

Chon regarda fixement le petit logicien qui marchandait si peu avec les termes.

— J’aurais attendu, dit-elle en adoucissant son sourire et sa voix, un peu plus de galanterie de la part d’un compagnon de voyage qui savait si bien, pendant la route, trouver mon bras sous un coussin et mon pied sur son genou.

Chon était si provocante avec cette douceur et cette familiarité, que Gilbert oublia Zamore, le tailleur et le déjeuner auquel on avait oublié de l’inviter.

— Allons ! allons, nous voilà redevenu gentil, dit Chon en prenant le menton de Gilbert dans sa main. Vous témoignerez contre Philippe de Taverney, n’est-ce pas ?

— Oh ! pour cela, non, fit Gilbert. Jamais !

— Pourquoi donc, entêté ?