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racheter par mes larmes tous les plaisirs auxquels vous aspirez, vous encore jeune, vous qui êtes un bon père, vous qui savez pardonner.

— Reste avec nous, Louise, reste avec nous, dit le roi en serrant sa fille dans ses bras.

La princesse secoua la tête.

— Mon royaume n’est pas de ce monde, dit-elle tristement en se dégageant de l’embrassement royal. Adieu, mon père. J’ai dit aujourd’hui des choses qui, depuis dix ans, me surchargeaient le cœur. Le fardeau m’étouffait. Adieu : je suis contente. Voyez : je souris, je suis heureuse d’aujourd’hui seulement. Je ne regrette rien.

— Pas même moi, ma fille ?

— Oh ! je vous regretterais si je ne devais plus vous voir ; mais vous viendrez quelquefois à Saint-Denis ; Vous ne m’oublierez pas tout à fait.

— Oh ! jamais, jamais !

— Ne vous attendrissez pas, sire. Ne laissons pas croire que cette séparation soit durable. Mes sœurs n’en savent rien encore, à ce que je crois, du moins ; mes femmes seules sont dans la confidence. Depuis huit jours, je fais tous mes apprêts, et je désire ardemment que le bruit de mon départ ne retentisse qu’après celui des lourdes portes de Saint-Denis. Ce dernier bruit m’empêchera d’entendre l’autre.

Le roi lut dans les yeux de sa fille que son dessein était irrévocable. Il aimait mieux d’ailleurs qu'elle partît sans bruit. Si madame Louise craignait l’éclat des sanglots pour sa résolution, le roi le craignait bien plus encore pour ses nerfs.

Puis il voulait aller à Marly, et trop de douleur à Versailles eût nécessairement fait ajourner le voyage.

Enfin, il songeait qu’il ne rencontrerait plus, au sortir de quelque orgie, indigne à la fois du roi et du père, cette figure grave et triste qui lui semblait un reproche de cette insouciante et paresseuse existence qu’il menait.

— Qu’il soit donc fait comme tu voudras, mon enfant, dit-il ; seulement, reçois la bénédiction de ton père, que tu as toujours rendu parfaitement heureux.