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intelligence ou de sa volonté, lorsqu’on vint le prévenir que mademoiselle Chon l’invitait à descendre ; il prit son chapeau, le brossa, compara du coin de l’œil son habit râpé à l’habit neuf du laquais ; et, tout en se disant que l’habit de ce dernier était un habit de livrée, il n’en descendit pas moins, tout rougissant de honte de se trouver si peu en harmonie avec les hommes qu’il coudoyait et avec les choses qui passaient sous ses yeux.

Chon descendait en même temps que Gilbert dans la cour ; seulement elle descendait, elle, par le grand escalier, lui, par une espèce d’échelle de dégagement.

Une voiture attendait. C’était une espèce de phaéton bas, à quatre places, pareil à peu près à cette petite voiture historique dans laquelle le grand roi promenait à la fois madame de Montespan, madame de Fontanges, et même souvent la reine.

Chon y monta et s’installa sur la première banquette, avec un gros coffret et un petit chien. Les deux autres places étaient destinées à Gilbert et à une espèce d’intendant nommé M. Grange.

Gilbert s’empressa de prendre place derrière Chon pour maintenir son rang. L’intendant, sans faire difficulté, sans y songer même, prit place à son tour derrière le coffret et le chien.

Comme mademoiselle Chon, semblable pour l’esprit et le cœur à tout ce qui habitait Versailles, se sentait joyeuse de quitter le grand palais pour respirer l’air des bois et des prés, elle devint communicative, et à peine sortie de la ville, se tournant à demi :

— Eh bien ! dit-elle, comment trouvez-vous Versailles, monsieur le philosophe ?

— Fort beau, madame ; mais le quittons-nous déjà ?

— Oui, nous allons chez nous, cette fois.

— C’est-à-dire chez vous, madame, dit Gilbert du ton d’un ours qui s’humanise.

— C’est ce que je voulais dire. Je vous montrerai à ma sœur : tâchez de lui plaire ; c’est à quoi s’attachent en ce moment les