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était un nom fort méprisé en France. Enfin, ce qui avait rangé complétement Gilbert au parti du baron, c’est que plus d’une fois il avait entendu Nicole s’écrier : « Ah ! si j’étais madame du Barry ! »

Tout le temps que dura le voyage, Chon était trop occupée, et de choses trop sérieuses, pour faire attention au changement d’humeur que la connaissance de ses compagnons de voyage avait amené chez M. Gilbert. Elle arriva donc à Versailles, ne songeant qu’à faire tourner au plus grand bien du vicomte le coup d’épée de Philippe, qui ne pouvait tourner à son plus grand honneur.

Quant à Gilbert, à peine entré dans la capitale, sinon de la France, du moins de la monarchie française, il oublia toute mauvaise pensée pour se laisser aller à une franche admiration. Versailles, majestueux et froid, avec ses grands arbres, dont la plupart commençaient à sécher et à périr de vieillesse, pénétra Gilbert de ce sentiment de religieuse tristesse dont nul esprit bien organisé ne peut se défendre en présence des grands ouvrages élevés par la persévérance humaine, ou créés par la puissance de la nature.

Il résulta de cette impression, inusitée chez Gilbert et contre laquelle son orgueil inné se raidissait en vain, que pendant les premiers instants la surprise et l’admiration le rendirent silencieux et souple. Le sentiment de sa misère et de son infériorité l’écrasait. Il se trouvait bien pauvrement vêtu près de ces seigneurs chamarrés d’or et de cordons ; bien petit près des Suisses ; bien chancelant, quand avec ses gros souliers ferrés, il lui fallut marcher sur les parquets de mosaïque et sur les marbres poncés et cirés des galeries.

Alors il sentit que le secours de sa protectrice lui était indispensable pour faire de lui quelque chose. Il se rapprocha d’elle pour que les gardes vissent bien qu’il venait avec elle. Mais ce fut ce besoin même qu’il avait eu de Chon qu’avec la réflexion, qui lui revint bientôt, il ne put lui pardonner.

Nous savons déjà, car nous l’avons vu dans la première partie de cet ouvrage, que madame du Barry habitait à Versailles un bel appartement, autrefois habité par madame Adélaïde.