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vous devez autant vous défier de la sœur que moi du frère.

— Vous êtes fou.

— Je suis sage. En tout cas, j’aurai soin du petit garçon.

— Et moi j’aurai l’œil sur la petite fille.

— Chut ! dit Jean, voici notre ami le duc de Richelieu.

En effet, le duc s’approchait en secouant la tête.

— Qu’avez-vous donc, mon cher duc ? demanda la comtesse avec son plus charmant sourire : on dirait que vous êtes mécontent.

— Comtesse, dit le duc, ne vous semble-t-il pas que nous sommes tous bien graves, et je dirais presque bien tristes pour la circonstance si joyeuse dans laquelle nous nous trouvons ? Autrefois, je me le rappelle, nous allâmes au-devant d’une princesse aimable comme celle-ci, belle comme celle-ci ; c’était la mère de Monseigneur le dauphin ; nous étions tous plus gais. Est-ce parce que nous étions plus jeunes ?

— Non, dit une voix derrière le duc, mon cher maréchal, c’est que la royauté était moins vieille.

Tous ceux qui entendirent ce mot éprouvèrent comme un frissonnement. Le duc se retourna et vit un vieux gentilhomme au maintien élégant, qui lui posait, avec un sourire misanthropique, une main sur l’épaule.

— Dieu me damne ! s’écria le duc, c’est le baron de Taverney ; comtesse, ajouta-t-il, un de mes plus vieux amis, pour lequel je vous demande toute votre bienveillance ; le baron de Taverney-Maison-Rouge.

— C’est le père ! dirent à la fois Jean et la comtesse en se baissant tous deux pour saluer.

— En voiture, messieurs, en voiture ! cria en ce moment le major de la maison du roi commandant l’escorte.

Les deux vieux gentilshommes firent un salut à la comtesse et au vicomte, et s’acheminèrent tous deux vers la même voiture, heureux qu’ils étaient de se retrouver après une si longue absence.

— Eh bien ! dit le vicomte, voulez-vous que je vous dise, ma chère, le père ne me revient pas plus que les enfants.