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un seul mouvement des lèvres de la comtesse, et qui avait, sinon entendu, du moins deviné ce qu’elle venait de dire :

— J’espère, mon cher duc, dit-il, que madame d’Egmont sera rétablie pour demain ?

— Certainement, sire. Elle le sera pour ce soir, si Votre Majesté le désire.

Et Richelieu salua le roi de façon à ce que son hommage s’adressât à la fois au respect et à la reconnaissance.

Le roi se pencha à l’oreille de la comtesse et lui dit un mot tout bas.

— Sire, répondit celle-ci avec une révérence accompagnée d’un adorable sourire, je suis votre obéissante sujette.

Le roi salua tout le monde de la main et se retira chez lui.

À peine avait-il franchi le seuil du salon, que les yeux de la comtesse se reportèrent plus effrayés que jamais sur cet homme singulier qui la préoccupait si vivement.

Cet homme s’inclina comme les autres sur le passage du roi ; mais, quoiqu’en saluant, son front conservait une singulière expression de hauteur et presque de menace. Puis, aussitôt que Louis XV eut disparu, se frayant un chemin à travers les groupes, il vint s’arrêter à deux pas de madame Dubarry.

La comtesse, de son côté, attirée par une invincible curiosité, fit un pas. De sorte que l’inconnu, en s’inclinant, put lui dire tout bas et sans que personne autre l’entendît :

— Me reconnaissez-vous, madame ?

— Oui, monsieur, vous êtes mon prophète de la place Louis XV.

L’étranger leva alors sur elle son regard limpide et assuré.

— Eh bien ! vous ai-je menti, madame, lorsque je vous prédis que vous seriez reine de France ?

— Non, monsieur ; votre prédiction est accomplie, ou presque accomplie du moins. Aussi, me voici prête à tenir de mon côté mon engagement. Parlez, monsieur ; que désirez-vous ?

— Le lieu serait mal choisi, madame ; et, d’ailleurs, le temps de vous faire ma demande n’est pas venu.

— À quelque moment que vienne cette demande, elle me trouvera prête à l’accomplir.