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Tout à coup, au milieu des baisers dont il les couvrait, le duc sentit tressaillir les mains de madame du Barry.

— Qu’est-ce ? demanda-t-il en regardant autour de lui.

— Duc… dit la comtesse avec un regard égaré.

— Eh bien ?

— Quel est donc cet homme, là-bas, près de monsieur de Guéménée ?

— Cet habit d’officier prussien ?

— Oui.

— Cet homme brun, aux yeux noirs, à la figure expressive ? Comtesse, c’est quelque officier supérieur que Sa Majesté le roi de Prusse envoie ici sans doute pour faire honneur à votre présentation.

— Ne riez pas, duc, cet homme est déjà venu en France il y a trois ou quatre ans ; cet homme, que je n’avais pas pu retrouver, que j’ai cherché partout, je le connais.

— Vous faites erreur, comtesse ; c’est le comte de Fœnix, un étranger, arrivé d’hier ou d’avant-hier seulement.

— Voyez comme il me regarde, duc !

— Tout le monde vous regarde, madame ; vous êtes si belle !

— Il me salue, il me salue, voyez-vous ?

— Tout le monde vous saluera, si tous ne vous ont déjà saluée, comtesse.

Mais la comtesse, en proie à une émotion extraordinaire, n’écoutait point les galanteries du duc, et, les yeux rivés sur l’homme qui avait captivé son attention, elle quitta, comme malgré elle, son interlocuteur pour faire quelques pas vers l’inconnu.

Le roi, qui ne la perdait pas de vue, remarqua ce mouvement ; il crut qu’elle réclamait sa présence, et, comme il avait assez longtemps gardé les bienséances en se tenant éloigné d’elle, il s’approcha pour la féliciter.

Mais la préoccupation qui s’était emparée de la comtesse était trop forte, pour que son esprit se détournât vers un autre objet.

— Sire, dit-elle, quel est donc cet officier prussien qui tourne le dos à M. de Guéménée ?